Poitiers, c’est une ville, un espace, avec ses codes, son histoire, ses fonctionnements. Avec ses habitants et ses sociabilités. Avec ses individus et ses collectifs. A Poitiers comme ailleurs, les institutions – monde du travail, famille, État – isolent de plus en plus les personnes et fragmentent les vies.
A Poitiers aussi, on fait face à une épidémie de solitude, inoculée par les institutions et propagée par les individus et même les collectifs. Et cette épidémie peut tuer. Elle peut tuer les individus – les personnes isolées ont une espérance de vie réduite – mais aussi les envies, les dynamiques, les espoirs, les projets, les luttes et les collectifs.
Quand on arrive à Poitiers, on n’est pas étouffé par la convivialité. L’interconnaissance est à la base des relations, à la base de la possibilité même des relations. Alors quand on ne connaît personne, on ne rencontre personne.
Et quand on fréquente des collectifs – sport, jeux, culture, art, aide, lutte, etc – il est difficile de dépasser l’objet du collectif pour se lier. On fait des choses ensemble, et puis on repart à sa vie. Le cloisonnement est érigé en norme.
A Poitiers, l’histoire joue un rôle considérable. Chaque groupe a son histoire, qui explique sa forme, son évolution, ses choix. Mais cette histoire n’est presque jamais transmise, des noms ou des événements étant parfois évoqués pour servir d’argument d’autorité, sans plus de détail ni de contexte. Comment participer à un jeu dont on ne connaît pas les règles ?
Les histoires et les relations interpersonnelles fragmentent la vie à Poitiers. Personne n’ira à tel événement qui se passe dans tel lieu tenu par tel collectif parce qu’autrefois, untel en faisait partie. Telle action est impossible au vu de ce qui s’est passé telle année. Unetelle n’est pas fréquentable parce qu’elle fait partie de tel collectif. Unetelle ne peut pas discuter avec untel parce que ce qu’il dit s’inscrit dans tel contexte faisant référence à tels événements qu’elle ne connaît pas et qu’il ne pense pas nécessaire d’expliciter.
A Poitiers, construire des relations prend énormément de temps. Construire de la confiance en prend beaucoup plus. En attendant, la solitude s’étend.
Pourtant, on sait que la coopération est extrêmement bonne pour la santé et pour la vie. Que l’isolement renforce et pérennise le capitalisme et tous les systèmes de domination et d’oppression. Comment faire face quand on est seul·e ? Quelles forces a-t-on, seul·e ? On n’en a pas, ou très peu. Dans ce monde, et à Poitiers, communiquer devient un acte de résistance. Pour résister au capitalisme et à son monde d’isolé·es, soyons ouvert·es et attentionné·es vis-à-vis des autres, et ne restons pas enferm·e·s dans nos groupes. Continuons à être critique mais arrêtons la méfiance systématique.
Parce qu’il est urgent de décloisonner Poitiers.
Image tintamarre | texte bastringue