Poitiers est une des villes qui comportent la plus importante proportion d’étudiant·es : ielles représentent 40 % de la population. Dans ce numéro de la sinse, on veut s’adresser à celleux qui pour de multiples raisons se retrouvent à étudier ici. Celleux qui viennent s’entasser dans les chambres étroites des crouss, étouffer sous les combles, s’emmerder en amphi et oublier leur semaine dans les bars. Parce que nous pensons que ce moment est crucial. C’est une période intermédiaire, où l’individu n’est pas encore enfermé·e au travail et où ielle s’émancipe de la cellule familiale. De plus, les conditions de vie des étudiant·es sont en grande partie marquée par la pauvreté. Travailler l’été dans des tafs de merde pour un smic, faire des petits boulots à côté des études ou dépendre des aides sociales et de la débrouille font parti de la vie étudiante. Comme le crous et sécher les cours. Cette expérience en grande partie commune définit et structure le fait d’être étudiant·e, par-delà les domaines étudiées et le taf futur. Cette pauvreté est aussi le vécu de millions de personnes qui ne sont pas étudiantes, c’est face à cette pauvreté et au système qui l’engendre que doit se développer une révolte commune, par delà le fait d’être étudiant·e, ouvrier·e, chomeur·se…
Autant dire que les sois-disantes plus belles années de la vie riment souvent avec misère. Déjà merci pour les années qui font suivre et puis c’est aussi oublier que la fac reproduit les oppressions présentes dans le reste de la société. Ces oppressions provoquent nombre de souffrances, souvent tragique comme le suicide de Doona en 2020, victime de la transphobie institutionnel et de la pauvreté.
Malgré cela souvent les oppositions étudiantes restent dans le cadre de la démocratie parlementaire bourgeoise. Encouragée en cela par des « syndicats » étudiants, qui sont plus des co-gestionnaires de l’université que des organisations de lutte. Quand il ne s’agit tout simplement pas de réactionnaires, comme l’UNI. On a envie de proposer une ébauche de critique plus radicale de l’université et du monde scolaire que de demander des places en plus dans les amphis. Et à travers cette critique, cibler tout cet enchevêtrement de dominations que l’on nomme société. De voir que par delà des connaissances qui seront vite oubliés, il s’agit avant tout de façonner des mentalités disposées à rentrer dans le moule de la production, de la soumission à un temps décidé par d’autres, d’inculquer l’obéissance devant l’autorité instituée et l’acceptation des manigances politiciennes. Mais aussi comment la structure universitaires, parce qu’elle valide certains savoirs et en délégitime d’autres tout en étouffant certaines méthodes d’apprentissages, participe à l’oppression. Cette hiérarchisation exclut des individus en dépit de leur capacité et participe à la dés-autonomisation de toustes.
On s’adresse à celleux que les jeux politiciens révulsent, celleux qui rêvent de rayer la caisse de ce prof macho, celleux qui attendent la retraite. On s’adresse à celleux qui n’en peuvent déjà plus, celleux qui veulent plus que des miettes. On s’adresse à celleux qui veulent briser le silence et l’isolement.