A écouter la gôche, tous les problèmes peuvent se régler grâce à plus d’éducation. De la pauvreté aux violences conjugales en passant par le réchauffement climatique, tout pourrait se régler en ouvrant des salles de classes et en recrutant des profs. Évidemment, il s’agit d’une pensée magique : avoir fait une thèse n’empêche pas de subir le racisme et aucun diplôme ne fera disparaître le capitalisme. Alors posons nous cette question : à quoi servent ces 150 milliards d’euros annuels investis dans le système scolaire ?
La première réponse serait de rejeter tout simplement la question. Comme si le fait d’enfermer des individus dès leur plus jeune âge pour leur inculquer des connaissances et techniques choisies arbitrairement était en soi une évidence. Alors que nous devrions apprendre à travers nos besoins et envies. Comme si la transmission du savoir devaient forcément se faire entre deux sonneries. Comme si l’apprentissage était quelque chose de distinct de la vie alors qu’il s’agit d’une part importante et permanente de notre existence. Comme si tout savoir devait être prouvé par un bout de papier tamponné. Parce que plus que la transmission de savoirs et techniques, l’école est un dressage. Un dressage des individus pour les soumettre à la société. Le cadre de l’école est déjà celui du travail, de l’usine. Avec ses chefs, ses horaires et ses obligations. Et évidemment ses punitions. Parce que l’école, c’est préparer l’enfant à être l’adulte résigné.e de demain. Et pour cela elle mimique le reste de la société : ses carottes comme ses coups de bâton. C’est dans les bagnes scolaires que l’état au son du roman national préparait hier les soldats et aujourd’hui les citoyennes-travailleureuses. C’est là que disparaissent les luttes et les massacres de l’état, c’est là que naissent ces grands hommes si détestables.
Le système autoritaire n’existe pas uniquement grâce à des larbins et des brutes sans cervelles ni scrupules mais aussi grâce à tout un ensemble de techniciens et spécialistes. Prenons l’installation d’un système de vidéoflicage. Il faut des flics pour mater les écrans et pour aller pourrir la vie des gens mais il faut aussi des instalateur·ices de câbles et caméras, des concepteur·ices de nouveaux dispositfs de surveillance. Il faut des salles de surveillance et des labos, des yeux et des cerveaux. Peut-être même des sociologues et des statisticien·nes pour optimiser tout ça. Et pour former ces spécialistes, il faut des universités et écoles. Du nucléaire aux OGM en passant par l’industrie minière et celle de l’armement, c’est dans les universités et les écoles d’ingénieur/commerce/architecture… que se forme une partie non négligeable des serviteurs du pouvoir.
Car l’université est un des lieux où se développe et se conçoit le futur de ce monde d’horreurs. C’est là que sont conçus les métaux qui serviront aux bombes qui raseront des villages. C’est là que le capital prépare son adaptation au désastre écologique qu’il a lui même provoqué. C’est là que se développent les IA qui fliquerons nos moindres gestes. C’est là que sociologue et psychologue conçoivent des moyens d’étouffer nos révoltes avant même qu’elles ne naissent, ne nous laissant plus que le dégoût et la résignation….
L’université ne se contente pas de créer les méthodes d’oppression de demain mais participe à reproduire la domination actuelle. Parce que celleux qui parviennent à son sommet sont celleux qui sont favorisé·es par le système de domination capitaliste, patriarcale et raciste. C’est donc tout naturellement qu’ielles reproduisent et donc entretiennent cette domination. A travers son organisation extrêmement hiérarchisée, l’université continue le travail de l’école d’inculquer la soumission à l’autorité. Et prépare donc à l’exploitation qu’est le travail. Même le plus communiste des profs laisse le ménage des salles de classe à des femmes prolétaires, souvent racisées. La division entre sachant·e et apprenant·e reproduit et prépare cette société de donneurs d’ordres et d’exécutants. Parce que le savoir universitaire s’est construit et se construit encore sur l’exclusion et la violence. La médecine, particulièrement obstétrique, en est un parfait exemple. Des chasses aux “sorcières” au spéculum moderne développé sur des femmes esclaves torturée par un sadique. Nombre de savoirs et de techniques enseignée à l’université sont le produit de crevures (racistes, sexistes et autres) et continuent d’entretenir cela : du droit à l’histoire, de la sociologie à l’urbanisme.
Mais il est possible de changer tout cela. Parce que l’université reproduit et étend la domination, toute critique radicale contre l’université porte en germe une critique générale de la société. Quand les étudiant·es s’auto-organisent contre un prof harceleur ou agresseur, ielles peuvent non seulement lui faire manger sa merde mais aussi mettre en lumière tout le système patriarcal. Rendre gratuit les restaurants universitaires en bloquant les caisses peut être autre chose qu’une simple action “coup de poing” et amener une critique radicale du capitalisme. Pour cela il faut arrêter de considérer l’université comme un système à part. Voir que le CROUS n’a rien à envier à bien des marchands de sommeil. Cafards et punaises de lits (comme à Gradignan), moisissures, sous-équipement voir amiante (La Croix St Sylvère à Versailles). Que les chef·fes, quelque soient le titre qu’ielles se donnent ne méritent que des crachats.
Alors pour toutes ces bonnes raisons, et toutes celles que nous n’avons pas citée : « Fermons les écoles, rasons les prisons ».