L’État est partout, tout le temps. Par ses lois, il s’immisce dans nos vie, et décide pour nous. L’État régit parce qu’il saurait mieux que nous, parce qu’il serait garant de « l’intérêt général ».
C’est notamment le cas dans le domaine de la création, où toute œuvre créée est automatiquement soumise au droit d’auteur, sans que personne n’ait rien à faire, sans devoir ajouter de ©.
Le droit d’auteur se compose de deux types de droits. Le droit moral, qui reconnaît notamment à l’auteur la paternité de l’œuvre – merci, monde patriarcal d’utiliser des termes merdiques – et le respect de son intégrité, de manière obligatoire et pour toujours. Et les droits patrimoniaux, qui donne le monopole d’exploitation économique de l’œuvre, qui peut être donné ou vendu. Ce monopole s’arrête quand l’œuvre tombe dans le domaine public, qui permet de l’utiliser sans rien demander ni payer, 70 ans après la mort de son créateur·rices.
Voilà grossièrement résumé. Les effets maintenant. Vous faites un dessin. Vous le trouvez joli, et avez envie de le montrer au monde entier, alors vous le publiez sur internet, avec l’envie que les gens le voient, le partage, l’utilise, se le réapproprie. Et bien en l’état, c’est illégal. Pour l’utiliser, chaque personne devra obtenir votre autorisation. Disons que vous vous en foutez, du droit d’auteur, vous trouvez que c’est de la merde. Sauf qu’il a des effets, puisqu’il est possible que des personnes n’utilisent pas votre dessin par peur de « violer votre droit d’auteur ».
Depuis la fin des années 90, les majors des industries culturelles luttent contre ce qu’ils ont appelé « le piratage », c’est à dire l’échange d’oeuvres sur internet. Pour cela, ils ont lancé des actions en justice contre plein de gens, et pour les aider, les gouvernements du monde entier ont voté des lois restreignant les libertés, dont la célèbre HADOPI. Internet est alors passé d’un espace ouvert où le partage était la règle à un espace surveillé où le partage est un délit. En 2019 en France, une personne a été condamnée à deux mois de prison avec sursis et 1800€ d’amende pour avoir téléchargé 223 films sur emule. En 2015, un habitant de La Rochelle est condamné deux fois pour avoir créé une plateforme de partage à 2 millions d’euros d’amende et six mois de prison avec sursis puis à 3 millions d’euros d’amende et encore six mois de prison avec sursis.
Très peu de personnes gagnent de l’argent avec leurs créations, encore beaucoup moins en vivent. Le droit d’auteur est pourtant justifié par la rémunération des artistes, alors même qu’il permet surtout d’engraisser les majors. Que faire alors, puisque ne rien faire, c’est se soumettre au droit d’auteur ?
Libérer ses créations
Libérer ses œuvres passe par l’apposition d’une licence, qui est une autorisation donnée aux autres. En appliquant une licence à vos créations, vous expliquez clairement ce que vous acceptez qu’on fasse de vos œuvres. Pour contrer le concept de copyright, a été forgé celui de copyleft, par lequel un·e créateur·rice autorise l’utilisation, l’étude, la modification et la diffusion de ses œuvres, à condition que toutes œuvres dérivées soient partagées dans les mêmes conditions.
Pour simplifier les choses, des licences existent : on peut citer la licence art libre (licence copyleft), ainsi que l’ensemble des licences creative commons. Ces dernières sont au nombre de six, et sont la combinaison de quatre variables : attribution (citer l’auteur·rice), non commercial (interdiction de faire commerce de l’œuvre), pas d’œuvres dérivées et partage dans les mêmes conditions. Pour utiliser ces licences, il suffit d’apposer un logo et un petit texte précisant la licence utilisée dans l’œuvre ou à côté. Par exemple pour votre dessin, vous pouvez ajouter le logo de la licence dans un coin de celui-ci, ou bien sur la page où vous partagez ce dessin.
Il est aussi possible de créer votre propre licence, en précisant ce que vous acceptez qu’on fasse de vos œuvres. C’est ce que nous avons fait dans ce torchon, avec la Lic’lance Libre (visible en dernière page). Et rien ne vous empêche, si une personne utilise vos œuvres d’une manière qui vous dérange, d’aller lui demander d’arrêter.
Libérer ses œuvres grâce à l’apposition d’une licence, ça permet de passer de « vous ne pouvez rien faire de mes œuvres sans mon autorisation » à « voilà ce que vous pouvez faire de mes œuvres ». Ca permet le partage sur des bases claires. Et ça vous redonne du pouvoir, aussi bien en tant que créateur·rice qu’en tant qu’utilisateur·rice.