Dès que l’on est plus qu’un, soi-même, il se pose la question d’avec qui je lutte, pourquoi et comment. Voilà quelques réflexions proposées dans ce 2e numéro des cahiers anarchistes internationalistes Hourriya, résumées ici (et copié sans scrupules) dans les grandes lignes.
L’organisation est un outil fonctionnel, c’est la coordination des efforts mentaux et physiques initiés par des individus pour atteindre un but ou réaliser quelque chose. Ici on ne parle pas d’organisation comme de structure au-dessus des individus, de forme à laquelle il faut adhérer (syndicat, parti, asso, drapeau…). Sans perspective personnelle claire, s’organiser devient une fin en soi, et il est courant que l’on se laisse porter par les envies des autres sans réfléchir à ses propres buts et motivations, ce qui revient à se laisser guider par des chef.fes même si iels n’en portent pas le nom.
Le regroupement affinitaire est une forme de mise en relation de personnes, basé sur des idées, méthodes, pratiques communes, envies, peurs, limites… L’affinité est mouvante et se crée pour certains projets et pas d’autres, avec certaines personnes, et pas d’autres. L’affinité ne se décrète pas, elle ne correspond pas à un contrat, ce n’est pas une bande de pote, ni un sentiment amoureux, ni un regroupement lié à un vécu d’oppression commune. L’organisation affinitaire favorise la qualité des liens et des échanges, est basée sur la confiance mutuelle ce qui prend du temps et de l’investissement. L’affinité est une recherche de la qualité et non de la quantité. Il n’y a pas de recherche de croissance au groupe affinitaire, ce qui nécessairement ferait rogner sur des idées ou des pratiques pour correspondre au plus grand nombre.
Dans certaines situations il est nécessaire que des groupes affinitaires se coordonnent pour un but défini et partagé. Cela en laissant une liberté de mouvement et de l’autonomie aux petits groupes, pour ne pas tomber dans la synthèse, dont le seul objectif est celui de composer, pour faire naître un ensemble dont on finirait par dépendre. La supériorité de cet ensemble sacrifie l’unicité individuelle pour avancer sur une route à sens unique pour toustes. Ces rassemblements de groupes affinitaires sont éphémères et n’ont pour durée que celle du but collectif à atteindre ou bien quand on estime qu’il n’est plus possible ou adéquat de chercher à l’atteindre. Dans ce cas, on parle d’organisation informelle. « Organisation, parce qu’il s’agit d’une coordination des volontés, des moyens et des capacités entre différents groupes affinitaires et individualités qui partagent un projet spécifique, limité dans le temps. Informelle, parce qu’il ne s’agit pas de promouvoir un nom quelconque, de renforcer quantitativement l’organisation, d’y adhérer formellement ou de souscrire à quelques programmes ou déclarations de principe, mais d’une coordination agile et légère pour répondre aux besoins du projet de lutte. ».
« S’auto-organiser, donc – en s’opposant à l’inversion contemporaine entre les moyens et les fins, qui a fait du moyen sa propre fin. La fin doit déjà être contenue dans le moyen, le moyen doit déjà être contenu dans la fin. Pour se désaltérer, il faut remonter à la source, et le parcours est déjà rafraîchissant en soi. Voilà la raison de l’organisation informelle. Le monde auquel nous aspirons ne peut être un continent régi par une seule loi, fut-elle celle de la justice sociale décrétée à l’unanimité, mais est plutôt un archipel aux mille expérimentations. Si nous ne voulons pas vivoter pour trouver une solution progressive au faux problème de quelle civilisation choisir, alors il nous faudra reconnaître qu’on ne peut trouver la liberté que dans la jungle obscure, dont l’exploration se fait à nos risques et périls, de jour comme de nuit, avec des marches et des pauses, le long des sentiers déjà battus et de maquis à travers lesquels s’ouvrir un passage. Une exploration qui a besoin de compagnons de voyage, d’instruments et de connaissances.
Qui n’a pas besoin de programmes, mais d’attention et d’idées claires. »