Là-bas dans les montagnes se dressent des créatures titanesques. Des monstres de métal qui dévorent le sol. De gigantesque rabots qui couche après couche détruisent jusqu’à l’idée même de la vie. Immenses outils au service de la faim sans fin de ce monde qui réclame à chaque instant de plus en plus de jus, jusqu’à passer toute la planète au presse-agrume.
Et tout ça pour quoi ? Pour quels buts ? Pour produire, encore et toujours, du nécessaire comme du superflu. Pour éclairer les hangars sordides où s’entassent la protéine animale, pour faire fonctionner les usines à bombes, pour illuminer les écrans et dessécher les rétines. Des trous dans la terre, des trous dans les crânes. Les vallées disparaissent innondées par les barrages tandis que nous nous noyons dans l’actualité.
Les vibrations de ces monstruosités remplacent les battements de nos coeurs. Partout s’impose le rythme des méchanismes et des algorithmes. De la chaîne de montage jusqu’à nos vies sentimentales, notre temps appartient aux horloges. Et chaque jour qui passe sous leur règne nous rapprochent d’elles. Nos gestes deviennent des automatismes, nos pensées des routines.
Là-bas dans la plaine courent sur le sol des centaines de kilomètres d’oléoducs. Veines toujours luisantes du léviathan. Pour propulser la locomotive qui nous conduit à l’abîme.