par le collectif Insolent.E.S
C’est une grande déception pour nous de constater que, malgré une tolérance feinte pour les idées féministes, une partie de nos prétenduEs camarades considère toujours la lutte des personnes trans pour leurs propres conditions d’existence comme une lubie libérale et dispensable. A Poitiers comme partout ailleurs, la transphobie ne s’arrête pas aux portes du milieu militant. Nous avons décidé de revenir publiquement sur le cas de la Grotte.
La Grotte s’est illustrée récemment dans la diffusion de brochures transphobes, antiféministes, lesbophobe et franchement réac. Celles-ci sont diffusées notamment par des membres de l’OCL (Organisation Communiste Libertaire) et de DGR (Deep Green Resistance). Le conflit aurait pu, et aurait dû, en rester là, dans un local qui n’hésite pas à se revendiquer de l’anarchisme et du féminisme. Pourtant, des personnes ont refusé de retirer les brochures, sous prétexte que ça n’avait pas été décidé collectivement et que ça relevait de la liberté d’expression de chacunE.
Le conflit a traîné sur plusieurs mois. Engeulades entre nous et les réac, réu et dialogue de sourd·es en interne allant jusqu’à l’exclusion de membre, guéguerre par messages interposés, affiches contre la transphobie retirée… De quoi nous faire comprendre qu’on n’était pas les bienvenuEs. La Grotte a organisé une réunion publique à laquelle nous avons accepté de nous rendre. Bien que pratiquement toutes les personnes présentes furent pour le retrait de ces brochures, la grande partie des partisans étant évidemment au abonné absent, aucune décision n’a découlé de cette rencontre.
Nous sommes fatiguéEs de devoir systématiquement rappeler que la transphobie ne constitue pas une opinion politique. Diffuser des brochures qui qualifient les personnes trans de “délire” et de “transhumanisme” et accusent les militantEs queer d’être responsables de la montée de l’extrême droite, ça ne relève pas de la liberté d’expression, mais du fantasme transphobe à la limite de la théorie du complot.
Il est facile pour les personnes cis de remettre en question notre existence en discutant tranquillement autour d’une bière. Mais pour nous, la transphobie a des conséquences concrètes, qui finit par structurer nos vies. Accepter la présence de propagande LGBTIphobe dans un local, c’est lui donner une légitimité et nous pousser vers la sortie en donnant la parole à des personnes qui ne nous veulent que du mal. Et, comme d’habitude, il a suffi de pas grand chose pour que les réacs se sentent pousser des ailes et entraînent tout le local dans une direction nauséabonde.
Il serait temps de comprendre que la transphobie ne se résume pas à battre à mort des femmes trans dans la rue. Nous mégenrer, exiger de nous qu’on se justifie de notre identité ou de nos pratiques sexuelles et amoureuses, mépriser nos luttes et nous exclure silencieusement des espaces collectifs, constituent déjà des violences.
Nos luttes queer et féministes, sont plurielles. Ce ne sont pas des luttes annexes. Merci d’arrêter de nous coller une image de libéralEs-individualistes sur laquelle nous gerbons et contre laquelle nous nous battons. Comment converger avec vous quand vous diffusez de la propagande qui vise à nous détruire ? Comment vous considérer comme des camarades quand vous refusez d’admettre nos existences et nos luttes ? Vous nous accusez de diviser LA lutte, alors que c’est vous-mêmes qui nous en excluez.
Nous en avons assez d’être systématiquement rejetéEs et isoléEs de combats qui sont aussi les nôtres. On ne va pas devenir cis ou hétéro pour vous faire plaisir, et pourtant on ne peut pas faire la révolution toustes seulEs. Pour lutter ensemble, ça commence par arrêter de se foutre de notre gueule !