Mauvaise mine

Voilà un mot qu’on avait plus trop entendu sur le territoire français métropolitain depuis la vague de fermeture des années 1970-1980. Pourtant il y a toujours des exploitations de sel, bauxite, calcaires bitumineux, étain-tantale-niobium en métropole, à croire qu’elles se font discrètes. Les territoires colonisés, ont quant à eux jamais connu de répit, mines de nickel en Nouvelle-Calédonie et mines d’or en Guyane.
Concrètement une mine, c’est l’extraction industrielle d’un ou plusieurs minerais ou terre rares présentes dans les roches su sous-sol. Des milliers de m³ de roches brassées pour quelques tonnes de métaux. Quand on pense à quoi sert l’or… c’est-à-dire à pas-grand-chose à part en faire des bijoux (plus de 80_% de l’or sert à ça) ou des feuilles qui doreront le cul de jésus, on peut se dire que c’est franchement pas très utile. Après avoir été extrait à coup de bulldozer et d’explosif, fait du sous-sol un gruyère ou creusé des cratères géants à ciel ouvert, la roche est concassée dans une usine de raffinage pour ne pouvoir garder que les éléments présentant les matières recherchées. Dans les stériles (roche non exploitées), il reste des métaux soit en trop faible quantité, soit trop complexe à extraire pour être rentable, et oui une mine c’est fait pour faire de la thune. Ces stériles, contrairement à leur nom ne sont pas pour autant inoffensifs. Les roches stockées en tas géant à l’air libre font remonter des substances toxiques anciennement enfermées dans les couches du sous-sol. Avec le ruissellement et le lessivage des eaux de pluie, les substances s’écoulent tranquillement tout autour des sites, contaminant le sol et les eaux souterraines et de surfaces sur des kilomètres. L’ancienne mine de Salau en Ariège laisse ainsi s’échapper de l’amiante, dans la vallée de la Brévenne c’est le drainage minier acide qui dissous les métaux présents dans les roches et fait se déverser du cuivre… Mais sentons-nous rassuré, certains dépôts, ont été remodelés afin « d’adoucir les pentes » et « recouvert de terre végétale et ensemencé ».
Pour extraire les métaux des particules sélectionnées, celles-ci vont être secouées mécaniquement ou baignées de produits toxiques. Soit les produit dissolvent les métaux et permettent de les récupérer en surface, soit ils agrègent ceux-ci et permettent de les récupérer par gravité. Suite à ce traitement il reste des résidus, une boue hautement toxique qu’il faut stocker. Comme sur pas mal de site minier, les résidus sont stockés, parfois enfouis, parfois bâchés, souvent bâclé. I n’existe pas de recette miracle pour les faire disparaître.
Et pour couronner (en carton la couronne) le tout, les mines c’est aussi une construction de grosses infrastructures (route, chemin de fer…) pour acheminer les matériaux, la militarisation de zone pour défendre des cailloux et de l’exploitation d’humaine.s 24h/24h pour faire tourner la machine. Voilà le joli tableau.

Le retour des mines en france advient actuellement pour plusieurs raisons. Il y a le discours autour de la « souveraineté nationale », que l’on nous essaye de nous faire avaler. Celui-ci s’est développé dans un contexte de guerre aux portes de l’europe qui a provoqué une rupture de certains liens avec la russie, à qui la france achète pas mal de métaux et de terres rares. Environ 50_% du titane utilisé dans l’industrie de l’aéronautique en france proviendrait de russie. La pandémie a compliqué l’approvisionnement en provenance de chine, qui à elle seule produit plus de 80 % des terres rares. L’idée d’une nation souveraine, ne dépendant de (presque) rien d’autre que d’elle-même pour s’approvisionner est une illusion surfant sur des ressorts nationalistes.
La transition écologique et la numérisation du monde sont les autres pendants du retour des mines. Sous ses belles images vertes, l’éolien et le photovoltaïque sont des grands consommateurs (17kg de terre rare pour une éolienne, silicium cristallin et le tellurure de cadmium pour le solaire). La domotique et la smart city toute connectée, vidéo-surveillée, captée grâce à l’électronique et l’informatique omniprésente consomment également énormément (10kg de cobalt pour un ordi, 70 kg de matières premières extraites pour produire, utiliser et éliminer un seul smartphone). Le lithium, utilisé notamment dans les batteries de tous ses nouveaux joujoux électriques : bagnole, trottinette, vélo, soit disant non-polluant (sauf à la fabrication et à leur fin de vie) devient le nerf de la guerre techno-écolo.

La multinationale Imerys, grande représentante de l’extractivisme à l’international, a obtenu un permis d’exploitation pour l’extraction de lithium dans l’Allier, à Echassière, à l’emplacement d’une actuelle carrière de kaolin (granit). Sur ce site, enfermé dans ce granit métallifère se retrouve également d’autre métaux : étain, tungstène, plomb… et une grande quantité d’uranium et de thorium. Dans cette future mine, il est prévu de récupérer 0,9 % de lithium sur les roches. On peut se demander ce que va devenir les 99,1 % de roche au potentiel radioactif, teinté de métaux lourds. Imerys reste flou sur la question de la quantité de résidus miniers, mais également sur la quantité d’eau qu’il utilisera pour transporter et traiter son minerai, car les mines sont de grandes consommatrices d’eau. On pense au Chili, à l’Argentine et à la Bolivie qui extraient une grande partie du lithium du monde. Dans ces régions, il faut deux millions de litres d’eau pour produire une tonne de lithium (par un procédé d’évaporation), c’est une menace permanente qui plane sur les écosystèmes et les populations locales. Mais les populations ne sont pas dupes. En Serbie, la firme Rio Tino s’est vu refuser le permis d’exploitation pour l’ouverture d’une mine de lithium. Face aux massives manifestations et nombreux blocages de routes, mais aussi pour des raisons électoralistes, le gouvernement a toutefois cédé.

Des écolo au grand cœur pourraient s’attarder à dire, vaut mieux ici qu’ailleurs, au moins les conditions d’exploitation et de travail seront moins pire. Et bien nous répondons ni ici, ni ailleurs. Ouvrir des mines ici ne fera pas fermer de mines ailleurs. La machine ne s’arrête pas_, elle ne fait que s’agrandir. L’utilisation d’énergie qu’elle quelle soit est grandissante_: l’éléctrique n’a pas remplacé le pétrole, le pétrole n’a pas remplacé le charbon… Ce n’est pas remplacer qu’il faut envisager, c’est tout arrêter.