En 1942, alors secrétaire général de la préfecture de la gironde, maurice papon (1910 – 2008) participait à l’organisation de la déportation des juifs. Après la guerre, en tant que préfet il deviendra un zélé rouage de la politique coloniale française en algérie. Dès 1958, il devient préfet de police de paris où il organisera un important dispositif de violence d’état contre les algérien·nes en couvrant systématiquement tous les crimes policiers les visant. Un des points culminants de cette politique est le massacre du 17 octobre 1961 où plusieurs centaines de personnes désarmés (selon la demande du FLN) protestant contre le couvre-feu seront massacrés par la police parisienne.
Ce petit exemple, loin d’être complet, nous montre que du génocide des juifs aux massacres des populations colonisées, on retrouve une continuité de structures et d’individus. C’est la police qui hier raflait les juifs qui aujourd’hui expulse, enferme dans les camps et déporte les migrant·es. C’est l’ordre des médecins, fondé par pétain en 1940, qui dénonçait les médecins juifs et qui aujourd’hui ne fait rien contre le racisme dans le milieu médical (visant soignant.es ou patient.es). C’est bien évidemment le clan le pen, eric zemmour et autres politiciens. C’est l’Oréal, fondé par un antisémite fasciste en 1909, qui servit de repère à toute une partie de l’extrême-droite après la seconde guerre mondial et qui fût condamné en 2007 car l’entreprise refusait d’embaucher des arabes, des noires et des asiatiques. Ou qui continue de faire fortune en promouvant un idéal de beauté raciste et en vendant des produits toxiques promettant de «_blanchir_» la peau.
Il nous faut déconstruire nos stéréotypes, les clichés qui nous divisent, bâtir les solidarités concrètes entre les opprimées, produits de la compréhension mutuelle des dominations contre lesquelles nous souhaitons nous révolter ensemble.
Les fachos disent que les juifs contrôlent les banques, mais c’est bien ces mêmes banques qui ont aidé les nazis à piller et dissimuler les biens accaparés aux déporté·es : du Crédit Suisse à la Deutsch Bank en passant par les 106 établissements bancaires français. Ces mêmes banques qui aujourd’hui encore huilent les rouages du système colonial et extractiviste. On voudrait nous faire croire que les juifs sont « communautaires », mais n’est ce pas là le terme qu’utilise le pouvoir pour désigner toutes celleux qui s’organisent contre son oppression ? N’est-ce pas-là, le terme brandi dès lors que s’organise une discussion ou atelier en non-mixité ? L’antisémitisme est structurel, il repose sur les mêmes moyens et les mêmes buts que les autres racismes. C’est la disparition (déportation, exode ou massacre) ou l’assimilation, la dissolution dans le fantasme national. Assimilation révocable à n’importe quel moment, sous n’importe quel prétexte. Voilà que l’état colonial d’israël massacre de manière plus visible que d’habitude, et chaque juif·ve devint responsable, chaque synagogue considéré comme un avant-poste de l’armée d’occupation. Mais le simple fait de manger kasher ne rend pas responsable de la Nakba. Comme faire le ramadan ne rend pas responsable des massacres de l’état islamique.
Les racismes sont des constructions sociales et historiques. Ce sont les productions des religions, de l’esclavage, des colonisations et conquêtes, des états-nations ou du mode de production capitaliste. On ne peut pas espérer y mettre fin sans en détruire les racines mêmes. Ces racines produisent des clichés qu’il nous faut déconstruire mais s’incarnent aussi dans des objets matériels et des individus sur lesquels il est possible d’agir. Ainsi, la frontière n’est pas qu’une ligne absurde sur un papier. C’est des contrôles, des centres de rétention, des locaux des douanes et de la PAF… L’esclavagisme, comme le génocide des juifs (et le travail forcé), n’est pas un événement historique terminé, mais l’origine de nombreuses fortunes actuels en france (de Chanel à Lafarge). Ce sont des maisons de maître, des distilleries de rhum, des entreprises de négoces, des usines…