Quel chemin ?

A Sainte Soline en 2023, comme à Sivens en 2014 contre la contruction d’un barrage, l’état a montré qu’il était prêt à aller loin, à mutiler, à tuer (Rémi Fraisse), à mettre dans le coma (Mickaël et Serge), pour sauvegarder l’idée d’une agriculture irriguée, essentiellement au service de l’élevage intensif. Dénoncer la violence de l’état et de ses sbires, se réjouir des égratignures infligée à la face de l’ordre et soutenir le besoin, l’envie, la légitimité d’aller se fritter avec les keufs, ne doit pas empêcher d’avoir un regard critique sur comment on en arrive là. « Celui qui s’engage sur la route et prend un mauvais virage ne va pas là où il a l’intention d’aller mais là où la route le mène. » [E. Malatesta]
Ce qui questionne à Sainte Soline, et ce depuis le premier rassemblement en octobre 2022, c’est pourquoi avoir pris cette route ? Pour quels objectifs et par quel moyen elle a été tracée.
Sur la page des Soulèvement De La Terre, le but publique affiché du 25 mars est d’« impacter concrètement les projets de bassines et leur construction ». Comme en octobre, le chantier est vide, grillagé mais vachement mieux défendu. Au max il y a quelques pompes et canalisations à saboter. D’ailleurs, maintenant on dit : « désarmer » pour que ça passe mieux dans les médias, ça fait moins véner, tous le monde peut donc se l’approprier, mais en contre partie est-ce que ça ne dissocie pas le bon sabotage du mauvais sabotage ? Des sabotages de bassines, il y en a 13 de dénombrés à ce jour. Les seuls cas de répression connus liés à cela, c’est lors de manifs. Des arrestations ont eu lieu pour des sabotages en direct ou après les manifs suites aux recherches des keuf (analyse photos et vidéo, plaque immatriculation, relevé téléphonique…). Donc dans la situation actuelle, pourquoi aller chercher à « impacter » les projets de bassines sous l’œil des keufs et des caméras (des nid à merde qui ne font que donner des infos au flic au passage) ? Pourquoi rassembler des milliers de personnes à la même heure au même endroit pour cela ? Pourquoi choisir une bassine in-dégradable ? Stratégiquement ça ne tient pas la route, il se serait passé quoi s’il n’y avait pas eu de keuf ? On comprend vite que le but, c’est d’aller mettre un drapeau au fond d’un trou de cailloux pour dire : on a gagné ! Quel impact concret sur le projets de bassine de Sainte Soline ? Aucun. Gagner quoi ? La grande bataille médiatique, peut-être. Compter, tester, montrer le poids des partisan.es, peut être. Ça maîtrise la com’ aux SDLT, à la perfection, ça sature les réseaux d’info, les murs d’affiches, les portes paroles des SDLT et de Bassines Non Merci 79 sont de tous les plateaux et journaux. D’un côté ça permet de se rappeler qu’il n’y a pas que la réforme des retraites dans la vie et ça tant mieux. Mais de l’autre, ça joue sur un terrain glissant, celui d’utiliser les moyens des capitalistes et des collabo du pouvoirs tout en ayant un discours anti-système. A quel moment ça va faire des compromis pour continuer de rayonner ? Les SDLT ratissent large et brouillent les lignes politique avec des mots qui parlent à leurs partenaires politiques et citoyennistes (LFI, EELV, NUPES, CGT, Solidaires, YFC, NPA…) et un lexique communiste, pseudo-anarchiste qui font fantasmer les plus radicaux. Faut plaire à tous le monde, pour composer et se rallier sous le même drapeau pour dire « Nous sommes, toutes et tous ensemble, les Soulèvements de la Terre.». Mais ce qui questionne le plus c’est : « On ne dissout pas un mouvement »… ha bon, c’est pas une organisation avec des buts de lutte précis. Si c’est un mouvement c’est quoi l’idéologie, et là est-ce qu’on pourrait parler concrètement d’idée alors. Mais ça ce n’est pas possible, jamais, selon les organisateurices il n’y a pas d’idéologie derrière les SDLT. Non non, l’appellisme1 n’existe pas, n’en parlons plus. Comment peut-on débattre ou critiquer quelque chose qui dissimule autant ses buts et ses visions politiques ?
Et il y a de quoi être méfiant.e ou en tout cas à minima se questionner sur les intentions quand on sait que certaines têtes connues des SDLT (et non pas toutes les petites mains recrutées pour faire tourner l’événement) sont en effet les même qui ont orchestré des manipulations sur l’ex-zad de NDDL. On ne change pas une équipe qui gagne. Ce sont donc « Celleux là qui ont signé avec la préfecture de Loire-Atlantique pendant que d’autres se frittaient contre les flics sur les sentiers, les barricades et dans les champs pour que cette zone reste hors emprise d’état. Celleux-là qui poursuivaient une propagande sur zad nadir en avril 2018 appelant à venir défendre la zad… tout en occultant toute information sur les tractations en cours avec la préfecture dans le but de s’accaparer les terres squattées. Résultat : des gen-tes qui déboulent, s’exposent aux armes des flics, subissent arrestations, mutilations et autres délices propres aux affrontements avec les terroristes d’état. Celleux là qui démontaient les barricades de leurs voisin-es, à leur insu, mettant en danger les occupant-es des lieux concernés, et arguant que «les barricades attirent les flics» sic! Celleux là qui tout en appelant à faire des dons pour l’achat des terres de la zone pour en faire des terres communes n’ont eu de cesse de privatiser des espaces cultivés […] «terres communes» qui n’ont de commun que le nom. »2. Celleux là qui parlent encore de LA zad, comme d’un lieu de lutte encore vivant, alors qu’iels sont rentré.es dans une agriculture légale et marchande, qu’il s’y développe des activités socialo-commerciales (comme une colo pour 500 balles sponsorisées par la CAF), en faite ça lutte juste pour se faire une place au soleil. Alors quand on voit que ça maîtrise bien la stratégie pour ne pas se mouiller, on se demande si iels étaient en première ligne face aux keuf ou bien au chaud à gérer leurs troupes ? Quand on voit comme ça maîtrise les magouilles politiciennes, on se demande quels sont les enjeux cachés ? Avoir assez de pouvoir pour peser dans le game politicien, se faire élire (ou tenter comme le porte parole de BNM 79). Quand on voit le grand écart entre le discours vénèr et la réalité du monde qu’iels créent, on se demande à quoi iels rêvent ?
En tout cas pas aux luttes féministes apparemment quand on lit « la lutte contre les violences sexistes sur de tel évènement étaient quasiment au niveau de l’impensé dans notre organisation. ». Ça résume bien qu’il y a des priorités, déso pour les personnes sexisées. D’ailleurs il est rageant de voir que toutes les questions de soins et de solidarités (médic, psy, anti-sexisme, validisme, gestion des gosses) sont portés majoritairement, encore et toujours, par des personnes sexisées. Que les grands et beaux discours et la manœuvre générale sont l’apanage des mecs. Chez leurs acolytes de BNM 79, c’est pas mieux, pas de souci pour les mains au cul en soirée, la réponse est « faut se renforcer et se faire une bulle ». Bon courage. Pas de place pour l’anarchisme non plus car « anarchiste » devient une insulte. Bref, à fouiller dans le marais on en ressort que de la vase.

Les SDLT sont en train de devenir LA référence en matière de lutte environnementale. Les têtes pensantes « ne peuvent ignorer que, si iels organisent un mouvement de masse fort bien médiatisé, le gouvernement prévoit en parallèle un dispositif répressif à la hauteur de la mobilisation qu’il craint….donc ils mettent le paquet, comme ils nous ont mis le paquet à NDDL pour les expulsions en 2018 ou, graves blessures et mutilations ont ponctué nos journées pendant plusieurs semaines… »3. Faire de la prévention pour partir en manif et éviter de trop prendre chère ne suffit pas à éviter le carnage, lutter c’est aussi prendre soin et penser en amont aux gens. Savoir ce qui est prévu quelques petites heures ou minutes avant, pour pas mal de monde, ne suffit pas à faire des choix, lutter c’est aussi donner la liberté d’agir et de penser et ne pas prendre les gens pour des pions. La menace de dissolution et les images accablantes de Saintes Soline leurs on permis de recueillir un important soutient de personnalités et à l’international. On parle d’accaparement des terres, mais peut-on parler d’accaparement des luttes ? On voit qu’avec Saintes Solines pas mal de personnes répondent présentes et sont enthousiasmées à l’idée de trouver un chemin vers les luttes, notamment quand elles sont guidées. Est-ce qu’il y aura encore la possibilité d’imaginer d’autres forme de lutte, d’autres chemins à tracer et de donner à chacun.e la possibilité de tracer le sien.

 

1 / Terme utilisé pour désigner un ensemble flou d’autoritaires post-situationnistes dont les références idéologiques assez sont la revue Tiqqun (1999-2001), l’Appel (2003) et les ouvrages du Comité invisible. Et qui évidemment ne s’auto-désigne jamais clairement, préférant souvent se dire « autonome ». On conseillera notamment L’appelisme vu comme ensemble de pratiques contre lesquelles il faut s’organiser.

2 – 3 / tiré de la brochure Lutter et/ou se faire manipuler au nom d’une lutte ?
Soulèvements de la terre versus état, même combat ! trouvable sur nantes.indymedia.org

…/ Des bouts de phrases et infos proviennent également des textes : Crapules & Assassins (dans la prairie, 25 mars 23) et [06/03/2023] Jouer à la guerre, jouer au pion parus sur nantes.indymedia.org