« Il pleut des lames sur les bassines »

Deux bassines ont été sabotées (découpage de la bâche d’étanchéité) en ce début mars. Simon Baille-Barrelle et Luc Tomowiak, propriétaires d’une des bassines ciblées (située au lieu-dit Les Bouilleaux, à Nouaillé-Maupertuis), devront sortir 25 000 € pour continuer à accaparer l’eau. L’autre bassine appartient à l’entreprise Pampr’oeuf (Pamproux) dirigée par Stéphane Nérault, une véritable usine à œufs (l’entreprise produit 1 milliard d’œufs par an et détient 20_% du marché des œufs à coquille français). Les poules passent leurs existences dans des cages exiguës au sol grillagé, sans jamais voir la lumière du jour et au milieu des cadavres de leurs congénères. Comme dit dans le numéro précédent_:
« Si les bassines sont tant défendues, c’est parce qu’elles sont un des maillons clés de l’agriculture industrielle et de l’élevage. Derrière les grands céréaliers se trouvent les éleveurs qui utilisent le maïs fourrage, les laiteries et abattoirs qui transforment les cadavres et les sécrétions issus des stabulation… Et les banques qui fournissent les liquidités, huilant ainsi tout les rouages.
Une chaîne qui va des bassines de Mauzé-sur-le-Mignon à l’entreprise Bonnilait à Chasseneuil du Poitou en passant par le Crédit Agricole et Groupama. Ces projets de bassines se font grâce à tout un système, cela doit être prise en compte dans les réflexions comme dans les pratiques. »

De plus comme le rappelle le communiqué d’action du Comité exécutif de la direction régionale de protection de l’eau (DRPE), les bassines sont financées à 70_% par l’état.
Un état visiblement très fâché que les bassines se fassent attaquer, puisque c’est devant un lieu de réunion du collectif « Bassines non merci ! » qu’à été trouvé une caméra militaire reliée à un routeur Pepwave et des batteries en lithium Accuwatt. Le tout sous un filet de camouflage.
Visiblement l’état est très curieux de savoir ce qui se trame dans ces réunions, et il ne serait pas étonnant que d’autres dispositifs de surveillance (écoutes, micros, filatures…) ciblent les opposant·es à l’agro-industrie. N’est pas précisément pour cela que l’état à mis en place la cellule de gendarmerie Demeter ?

P.S. :
Les deux communiqués de la DRPE :
AVIS DE DÉCISION – Comité exécutif de la direction régionale de protection de l’eau (DRPE)
IL PLEUT DES LAMES SUR LES BASSINES – Rapport d’exécution reçu le 2 mars 2022 à la DRPE

Dépasser la défense de territoire

La lutte contre les bassines est une lutte bien vivante : manifestations, sabotages et soirée de soutien sans compter évidemment toutes les actions diverses et variées. Nous soutenons cette lutte et cela fait déjà un moment que nous en parlons dans ce modeste torchon.
Les bassines font partis des processus d’adaptation du capitalisme à la catastrophe climatico-écologique dont il est à l’origine. Comme tout ces processus d’adaptation (de la voiture électrique à l’éolienne industrielle), elles ne feront qu’aggraver la situation. Ainsi je pense que la lutte des bassines doit se concevoir comme un support spécifique et concret de lutte contre un ensemble largement plus vaste et plus difficile voir impossible à saisir dans son entièreté. Parce qu’il s’agit seulement d’un rouage de la méga-machine, il me paraît important que cette lutte serve aussi à élargir et approfondir la critique contre le reste.
Nombres d’opposants notent que les bassines servent à la culture de maïs fourrage, destinée à alimenter les animaux d’élevage. Ceux dont les cadavres et les sécrétions, une fois devenues marchandises sont renommées viande et lait. Cette information aurait dû conduire à inclure des réflexions et pratiques anti-spécistes dans la lutte. Car l’élevage, sous toutes ses formes, est une nuisance. Une nuisance à la vie car il est inacceptable d’enfermer, de reproduire de force et de tuer des êtres qui ressentent la douleur pour le prétendu plaisir gustatif de quelqu’un·es. Une nuisance écologique car la question de la gravité des dommages écologiques produit par l’élevage ne dépend qu’à la marge du mode d’élevage. Par exemple, les émissions de gaz à effet de serre des bovidés ne changent pas fondamentalement si ils se nourrissent d’herbe dans les champs ou de fourrage (l’élevage représente 14,5 % des émissions de gaz à effets de serre).
Une nuisance sanitaire, l’élevage pollue les sols et les cours d’eau mais est aussi le lieu d’incubation et de mutation des maladies de demain : développement des résistances aux antibiotiques, transmission des animaux d’élevage aux humains…
Les bassines sont, pour simplifier, une réponse technique à une question simple : comment permettre que malgré le fait que tout va changer tout puisse continuer comme avant ? Comment permettre que la chaîne industriel de la viande et du lait puisse continuer de produire de la marchandise et générer du profit ?
Les réflexions et luttes antispécistes permettent d’ouvrir un nouveau champ d’action contre les bassines, en proposant un non ferme et définitif non seulement à réponse technique mais à la question. Si les bassines sont tant défendues, c’est parce qu’elles sont un des maillons clés de l’agriculture industrielle et de l’élevage. Derrière les grands céréaliers se trouvent les éleveurs qui utilisent le maïs fourrage, les laiteries et abattoirs qui transforment les cadavres et les sécrétions issus des stabulation… Et les banques qui fournissent les liquidités, huilant ainsi tout les rouages. Une chaîne qui va des bassines de Mauzé-sur-le-Mignon à l’entreprise Bonnilait à Chasseneuil du Poitou en passant par le Crédit Agricole et Groupama. Ces projets de bassines se font grâce à tout un système, cela doit être prise en compte dans les réflexions comme dans les pratiques.
Prendre en compte les réflexions antispéciste, implique aussi de remettre en question des éléments de l’alliance hétéroclite anti-bassine. Comme la question de la présence des fédérations de pêche qui se préoccupent de la pollution et des manques d’eau car elle pourrait impacter leur loisir meurtrier. Celle de la vienne se range du côté des irriguant, celle des deux-sèvres contre les bassines.
Que les bassines se construisent ou non, il est déjà trop tard pour espérer préserver encore longtemps ce mode de vie privilégié dont la consommation massive de produits animaux est un marqueur. Ce mode de vie est le produit de massacres : passés, présents et à venir. Le refuser dès maintenant, c’est une manière concrète de s’y opposer.
Ces critiques peuvent être posés dans de nombreuses luttes qui peinent souvent à lier le spécifique au général, le local au global, le personnel au structurel. Penser ces liens permet des luttes horizontales, forte, vivante et résistante aux méthodes actuelles de la répression.

Des animaux assoifés de liberté

Cette brochure n’est pas une introduction aux idées antispécistes, sur lesquelles vous invitons à vous renseigner par vous-mêmes dessus, mais une réflexion pour développer un anarchisme antispéciste. Il s’agit donc à la fois d’une critique d’un antispécisme réformiste mais aussi d’un anarchisme spéciste.
« Si la définition de l’antispécisme ne fait pas toujours consensus,on peut néanmoins s’accorder sur le fait qu’il inclut l’opposition à l’exploitation des animaux. Or les êtres humains étant aussi des animaux, si la lutte pour l’antispécisme se fait aux dépens de leurs conditions d’existence, alors elle n’est pas réellement antispéciste. La Libération Animale n’est donc conséquente que si elle passe par la libération de tous les animaux, sans distinction. »
« Un aspect de l’exploitation animale tabou jusqu’au sein de l’antispécisme concerne les relations entretenues (et imposées) avec les animaux domestiqués. Les abattoirs ne sont pas les seuls lieux où les animaux sont tués, enfermés et exploités. »
« […] les animaux considérés comme « de compagnie » n’ont pas demandé à naître, et s’ils existent, c’est pour satisfaire une demande, et donc un caprice. »
« L’animal-peluche ne subit pas moins l’exploitation que l’animal-cadavre. Ainsi, la racine du problème est à chercher non pas dans le fait d’empêcher les animaux « de compagnie » déjà présents de se reproduire afin d’assurer notre petit confort affectif, mais bien dans cette recherche de confort affectif auprès d’individus à qui on impose bien souvent cette affection. »
« Nous ne voulons pas que l’État se « veganise », nous souhaitons sa destruction. Aucun texte de loi ne pourra mettre fin au spécisme et à l’anthropo-centrisme, de la même manière qu’aucun texte de loi n’ajamais permis d’en finir avec les violences sexuelles. […] Nous ne voulons pas que le monde marchand se « veganise »,nous souhaitons sa destruction. »
« Car si l’antispécisme ne peut se passer d’une critique conséquente de l’autorité sous toutes ses formes, la réflexion et les pratiques anarchistes peuvent-elles se dispenser d’intégrer l’antispécisme ? L’être humain étant lui aussi un animal, qu’est-ce qui justifierait que nous souhaitions détruire l’autorité pour nous tout en acceptant de l’exercer sur d’autres individus ? Lorsque l’on accepte d’être du côté des « libres » tout en ayant des individus humains sous notre joug, nous sommes de fait des tyrans. En quoi cela serait-il différent lorsque les individus sous notre joug ne sont pas humains ?»

Disponible sur infokiosques.net