Cortège de fete

Depuis plusieurs semaines, on se retrouve chaque samedi en centre ville contre l’ordre policier et la société qui en a besoin. On se retrouve nombreux.ses et déter. Et ça fait plaisir! Ça fait plaisir de voir de moins en moins de gens qui filment et de plus en plus de personnes qui leur disent d’arrêter cette pratique qui nous met en danger. Plaisir de voir que certaines caméras ont été repeintes. Ça fait plaisir de voir autant de personnes qui ne se reconnaissent plus dans les promenades syndicales et préfèrent les manifs sauvages, largement plus vivantes. Les sauvages ne sont pas des moments folkloriques mais sont un moyen concret de perturber le dispositif policier. Les trajets convenus avec la préfecture permettent aux flics de se préparer aux mieux et donc de limiter notre action. La police peut dévier le trafic, stationner à des endroits clés ou nous bloquer l’accès à certaines rues.
Face à un dispositif policier poitevin très lourdement équipé par rapport à nous, notre force repose en partie sur notre imprévisibilité. Une sauvage qui reproduit semaine après semaine les mêmes parcours et tente vainement d’accéder à des endroits inaccessibles perd de de sa spontanéité et donc une partie de ce qui fait sa force : sa capacité à contourner le dispositif policier.
Un autre élément qui fait notre force, c’est la solidarité. Si nous courons, si nous nous dispersons, si nous nous scindons dès les premiers tirs de lacrymo, nous allons laisser des compas isolé.es derrière nous. C’est ces moments là que la police va utiliser pour arrêter des manifestant.es, ce qui à conduit à une GaV samedi 12 décembre. Ne pas courir mais marcher vite pour éviter des mouvements de panique, se regrouper et attendre pour permettre aux blessé.es de reprendre des forces, nous permettent d’être solidaire.

 

Les Pict’Alien

Les Pict’Alien, c’est un jeune club de roller derby en mixité choisie (sans mec cisgenre*) qui se reconnaît dans des valeurs féministes, qui souhaite être engagé et inclusif. Pour nous le roller derby, c’est pas juste du sport !
Ca veut dire créer un cadre accueillant pour évoluer ensemble sur nos compétences et sur nos idées. C’est faire du sport sans la peur d’être jugé.e ou regardé.e de travers parce qu’on à pas fait de sport depuis longtemps, qu’on n’est pas dans l’hétéro-cis-norme, qu’on a pas un corps standardisé, qu’on dis crotte aux stéréotypes de genre imposés… C’est se serrer les coudes, se redonner confiance et rouler, rouler, rouler. On ne sait pas encore où ça nous mènera, mais pt’être un jour, vous nous croiserez en cortège à roulette.
Techniquement, c’est aussi ne pas laisser la gestion du club ou des entraînements dans les mains de peu de personne. Une des devises du roller derby c’est par les joueureuses pour les joueureuses, et ça nous plait bien. Dans le derby, il y a le côté technique du roller qui fait que les personnes plus à l’aise techniquement vont prendre la place de transmetteureuses plus facilement (mais pas toujours), on cherche des solutions pour que le coaching ne soit pas une prise de pouvoir définitive et hiérarchique. Pour cela les entraînements fonctionnent en auto-coaching, un.e ou plusieurs joueureuses anime l’entraînement sur patin ou le renforcement musculaire ou l’échauffement.
Dans le derby une des difficultés c’est l’arbitrage, il y a beaucoup de règles de jeu et notamment qui portent sur la sécurité des autres joueureuses car c’est un sport avec des contacts physiques règlementés. Pour les matchs il faut aujourd’hui quasiment autant d’arbites que de joueureuse sur la piste. Pour ça les joueureuses sont également sollicité.es pour arbitrer les matchs qu’ielles ne jouent pas.
Pour la partie administrative de l’asso, toutes les réus sont des CA où tout.es les membres sont invité.es à prendre partie et à participer à la gestion et à l’organisation.
Et quand même, pour savoir de quoi on parle le roller derby est un sport d’équipe et de contact sur patins à roulettes (appelé aussi quad). On apprend à être agile, solide, rapide… mais aussi la stratégie et le collectif.
Petite explication du jeu : Pour marquer des points, les jammeureuses (attaquant·es) vont devoir doubler un maximum de fois les bloqueureuses (défenseureuses) adverses en effectuant des tours de la piste (track) ovale et plate. Les bloqueureuses ont pour but d’empêcher lea jammeureuse adverse de les doubler, tout en facilitant le passage de leur coéquipier.e. Pour cela, les contacts physiques sont autorisés, mais très réglementés, on ne tape pas n’importe où !
rollerderbypictalien@riseup.net // ou sur facebook – Roller derby Pict’Alien

* personne se reconnaissant dans le genre masculin et qui correspond à celui qu’on lui a assigné à sa naissance, on défend l’autodétermination

Black Star Ultimate

Le Black Star Ultimate est un club fondé avec la volonté particulière d’affirmer des valeurs politiques, à travers la pratique du sport.
Considérant le capitalisme et le patriarcat comme des sources d’oppressions systémiques, considérant nos sociétés comme traversées par un ensemble de rapports de force et de domination, nous pensons qu’il est nécessaire de garder cela à l’esprit lors de nos pratiques sportives, afin de lutter contre ces modèles.
C’est pourquoi il nous tient à cœur de faire exister une alternative quand nous enfilons nos baskets pour aller sur un terrain. Faire du sport autrement, dans un milieu où la compétition tend parfois trop facilement à l’expression de certaines formes de violences (sexisme, racisme, validisme, lgbtiphobie, fascisme, mépris de classe…). Faire du sport pour le plaisir de jouer, à partir de relations égalitaires, basées sur l’entraide. Expérimenter l’autogestion dans une équipe. Et si on peut se marrer, c’est encore mieux.”
Ceci est le début de notre charte, écrite à plusieurs mains en 2019. A la base, une dizaine de camarades et de copaines partageant une envie commune de se réapproprier un terrain de jeux que nous avions, pour la plupart, délaissé il y a des années : le sport collectif. L’exemple du foot populaire dans un coin de la tête, des expériences de vie en squat, des désirs de mise en commun, du punk rock… tout ça conjugué ensemble pour nous mener vers l’Ultimate, un sport sans contact et auto-arbitré. Sans contact signifie pour le Black Star que le terrain n’est pas un espace de confrontation physique difficilement appropriable quand on n’est pas familier avec les normes viriles. Auto-arbitrage signifie pour le Black Star que toutes les personnes impliquées sont responsables de l’application et de l’adhésion aux règles de l’Ultimate et que donc il n’est pas acceptable qu’un quelconque monopole (arbitrage, coaching, esprit du jeu…) s’installe.
Le Black Star peut-être un espace/temps d’éducation populaire, d’expérimentation de l’auto-gestion, de jeux fun et respectueux (si si c’est possible !), de tissage de liens humains, de construction de ponts avec les luttes et les milieux révolutionnaires, de pratique d’une activité physique amusante ou même d’empowerment.

L’île du carnet en lutte

En Loire-Atlantique, sur l’île du Carnet, (où une lutte victorieuse antinucléaire empêcha la construction d’une centrale entre 1977 et 1997), le Grand Port Maritime de Nantes Saint-Nazaire prévoit d’établir une zone industrielle de 110 hectares (soit 880 piscines olympiques), l’estuaire de la Loire ayant été massacré par l’implantation de raffineries et industries agrochimiques à perte de vue ces dernières décennies.
Total, Yara, EDF, Cargill désireux de s’engager dans la «croissance verte» désirent s’implanter sur ce futur «ecopark».

Afin de préserver cette zone et les 116 espèces protégées par ce «projet» (l’un des «72 clé en main» pour «réindustrialiser la France» Merci E. Macron) et empêcher les «mesures écologiques compensatoires» qui impacterons au final: 395 hectares; la ZAD du Carnet, s’est créée le 31 août 2020.
Epaulée par le collectif Stop Carnet(qui luttait déjà contre la bétonnisation de cette zone humide), la jeune ZAD résiste, construit, discute, projette, s’autonomise et conteste ! Plus loin que cet énième projet, le prototype d’éolienne présent sur site à été stoppé et réquisitionné car nous dénonçons plus généralement l’enfumage qu’est la «transition écologique».
Nous sommes alliés au Village Du Peuple, qui lui résiste pour sauver des mêmes industriels fossiles et chimiques 58 hectares, de l’autre côté de l’estuaire à la petite Lande de Donges.

Il y a actuellement 4 lieux occupés, le VDP de Donges (expulsable depuis le 06/10/20), P1, la Saule, et le Vent avec des algéco, constructions et yourtes en tout genre. Une cabane en non-mixité est présente. Un grand sleeping est en train de se bâtir.

Nous désirons tisser des liens avec d’autres luttes, telle que la Montagne d’or, et l’Amassada, via des discussions et projections en présence d’opposant.es. Venez discutez et nous enrichir de vos expériences.

Pérennisons ensemble cette ZAD face aux menaces d’expulsion et l’hiver qui approche, l’île du Carnet et ses habitant.es ont besoin de soutien matériel et humain.

Pour plus d’informations sur le projet et les besoins actuels, n’hésitez pas à venir voir le site de la ZAD: zadducarnet.org.

No bassaran

Les actions contre les bassines ont pris différentes formes, ciblant aussi bien les bénéficiaires de cette absurdité destructrice que les différents pouvoirs qui la finance et la rende possible.

Août 2018 : Sabotage d’enrouleur et de câbles d’irrigation de deux irriguant à Amuré et Bourdet dans les deux-sèvres en période de restriction d’eau. L’un des irriguants, Thierry Géant est élu municipal à Amuré.

Juillet 2020 : – tag « Non aux bassines » sur la maison de l’agriculture à les ruralies, près de vouillé. La chambre d’agriculture des deux-sèvres promeut le projet des bassines.
– un tag « Non aux bassines !! » sur la mairie d’Amuré revendiqué par des tritons masqué.e.s.

Août 2020 :
– Réunion d’informations sur le sujet à Poitiers

Septembre 2020 : – inscriptions sur la route lors du passage du tour de france
– sabotage de matériel d’irrigations (notamment une rampe et une pompe) chez des éleveurs irriguants qui vont profiter de la construction d’une bassine

Octobre 2020 : – Manifestation à Epannes contre les bassines

Des ronds dans l’eau

Disparition en masse des insectes, augmentation des températures, pollution des cours d’eau (comme celle causée par l’usine Carembar à Lencloître en 2018), augmentation des désastres climatiques en nombres comme en amplitude… Nombre de ces changements sont déjà irréversibles et sont la conséquence directe de la société capitaliste. Pourtant certaines personnes continuent de nier les faits et s’obstinent à persévérer dans cette voie destructrice. Dans la région Nouvelle-Aquitaine, cet aveuglement prend notamment la forme des bassines.

Alors c’est quoi une « bassine » ? Il faut visualiser environ 10 hectares clôturés par des murs de terre d’une dizaine de mètres de haut, le tout tapissé de plastique.
Pour quel usage ? Il s’agit de piller l’eau des nappes phréatiques durant l’hiver, et donc d’assécher en partie les cours d’eau qui en dépendent, pour la réutiliser durant l’été. C’est une manière pour les gros propriétaires (ceux capables d’utiliser plusieurs hectares de terres agricoles pour creuser des trous) de ne pas respecter les règles d’irrigation, règles qui leur permettent déjà d’arroser n’importe comment. Ce captage et ce stockage ne sont rien d’autre qu’une privatisation de l’eau. Le tout est bien évidemment financé à 70 % par les différentes administrations prétendument chargées de faire respecter les quotas.

Les cultures irriguées sont principalement celles qui servent à nourrir le bétail (par exemple le maïs qui en plus n’est pas adapté au climat local). Non seulement les bassines permettent à quelques gros propriétaires de continuer à s’enrichir en s’appropriant les cours d’eau, mais elles s’inscrivent directement dans la déjà longue liste des subventions dissimulées au bénéfice de l’industrie de l’élevage. Une industrie responsable d’au moins 10 % des émissions de gaz à effet de serre, de la déforestation et aussi de la pollution des cours d’eau. De manière générale, l’agriculture qui profitera des bassines est l’agriculture intensive. Cette même agriculture qui ravage les sols, empoisonne le vivant à coup de pesticide.

Les bassines font partie d’un ensemble de dispositifs, des éoliennes industrielles à la voiture électrique, qui servent de miracles technologiques pour dissimuler le mur dans lequel cette société nous entraine. Les bassines ne sont nullement une manière de s’adapter, mais une tentative couteuse de nier la réalité et de perpétuer un système voué à disparaitre. La question étant de savoir si nous voulons ou non disparaitre avec lui.Toutes ces prétendues tentatives ne nous sauveront nullement, au contraire même, elles ne feront que rendre l’inévitable choc plus brutal encore. C’était déjà hier qu’il fallait arrêter la machine, mais il n’est jamais trop tard pour commencer.

Le placard

Le placard c’est un lieu à remplir d’outils pour déconstruire ce qui nous détruit et reconstruire selon d’autres envies. Un bric à brac pour tendre vers l’autonomie, échanger des savoirs et pratiques, se défendre contre ce monde pourri, créer, inventer… Dans ce lieu on tente d’être attentif·ves aux autres, de créer de nouvelles étagère pour y ranger plein de trucs plus que de reconstruire des murs entre nous.
Le placard est ouvert pour se rencontrer, apprendre les un.es des autres, faire évoluer les et ses idées.
Le placard est un lieu collectif, avec la volonté que sa gestion et son organisation le soit aussi. On tentera d’être moins opaque qu’une porte de placard. *C’est qui on ? C’est un nuage d’individus, à géométrie variable, regroupé pour faire vivre ce lieu et des idées, indépendant de tous partis, orga institutionnelle, petit·e chef·fe… et on souhaite le rester.
Si tu as envie de t’y investir, de proposer des choses la porte du placard est ouverte.

Ouvert le dimanche après-midi et parfois le mercredi
Au 23 route de paris à Poitiers
Le programme à jour sur https://leplacard.noblogs.org

Le cout de la vie

Ce sont deux articles1 sortis à la fin du mois de juillet. Deux brefs rappels.
Le premier traite de la mort d’un ouvrier, mort en chutant d’un échafaudage d’un chantier de la SARL Rambault, à Châtellerault. Un échafaudage au garde-corps enlevé sous les ordres de la patronne. La même qui a ordonné aux autres employés présents de dissimuler son crime en remontant le garde-corps juste après “l’accident”. La patronne et son fils, dirigeant actuel de l’entreprise, recevront 2 mois de prison avec sursis et l’entreprise devra payer 14 500 euros d’amende pour homicide involontaire, défaut de formation à la sécurité et les échafaudages non conformes, ainsi que 10 000 euros à la mère de l’intérimaire et 2 000 euros aux autres membres de la famille.
Le second concerne un “accident” sur un chantier de l’entreprise Sterco à l’université de Poitiers. Suite à un démontage sans mode d’emploi, un contrepoids de plusieurs centaines de kilos se détache et tombe sur un travailleur : polytraumatisme, rate éclatée, ITT de 7 mois. 15 000 € d’amende pour l’entreprise Sterco, qui avait été jusqu’à licencier le salarié pour faute grave alors qu’il se trouvait sur son lit d’hôpital .
Les deux entreprises citées sont encore en activités.
Chaque année ce sont entre 500 et 550 personnes qui meurent d’un “accident” du travail. Mais ces accidents n’ont rien d’accidentel, ils sont le résultat des pressions des patrons à produire toujours plus, toujours plus vite. Des injonctions qui ne peuvent être satisfaite qu’en diminuant la sécurité. Ils mettent nos vies en jeu pour se remplir les poches.
A la fin de la journée, c’est nous qui finissons blessé·es, mutilé·es ou mort·es, pas nos chefs. Ce sont nos corps que le travail détruit.
Et si nous décidions de rendre un peu de ce qu’ils nous infligent, de reprendre ce qu’ils nous volent, ce serait nous que les tribunaux enverraient en prison. C’est pour nous enfermer que l’état dresse des prisons.

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1/ https://www.lanouvellerepublique.fr/poitiers/homicide-involontaire-oui-il-fallait-demander-pardon et https://www.lanouvellerepublique.fr/poitiers/accident-du-travail-sur-un-chantier-de-l-universite-a-poitiers-15-000-d-amende-pour-la-societe (retour au texte)

Les pieds dans le guidon

C’est le 9 septembre que le tour de france est passé à poitiers. Un spectacle sans critiques tant l’unanimité semble de mise, du côté des politiciens de Poitiers Collectif comme parmi les journalistes du cru. Il y en a pourtant des choses à dire sur la petite entreprise de Marie-Odile Amaury et sa famille (452e fortune de France).

Tout d’abord ce spectacle est loin d’être gratuit puisque c’est plus de 750 000 € qui sont déboursés pour satisfaire aux exigences de l’entreprise qui gère le tour de France. Un coût qui représente plus de la moitié du budget prévisionnel en travaux de voirie et stationnement du plan vélo pour la période 2016-2020. Des travaux qui peuvent aller jusqu’à l’absurde, par exemple en démontant des aménagements routiers puis en les reconstruisant une fois le spectacle terminé, comme pour le rond point de l’avenue de Nantes. Cela aura pu être des vélos pour toustes, des pistes cyclables pour les usages de tous les jours, ce sera du goudron luisant pour l’unique passage de sportifs et leur cour de motos, voitures et ses kilomètres de camions publicitaires.

Le but de tout ce spectacle est avant tout de vendre des heures et des heures de publicité. Les cyclistes sont ainsi des panneaux publicitaires ambulants et les noms des équipes sont composés de marques. Ces noms d’entreprises sont martelés sans cesse durant toute la durée de la compétition. Conduisant à oublier que ce sont ces entreprises. Groupama-Française des jeux, ce n’est pas seulement une équipe, ce sont deux entreprises et marques s’enrichissant sur les plus pauvres. Groupama (assurance-banque) arnaque notamment ses clients à travers des assurances obsèques. Quand aux jeux de hasard, ils ne font qu’appauvrir celleux qui y jouent.

Après avoir démontré leur virilité dans cette absurde compétition, les pathétiques champions du jour, pourront recevoir leur « dû » décerné par des femmes réduites à satisfaire les fragiles égos masculins ou à distribuer d’inutiles et polluants gadgets publicitaires. C’est la seule place accordée aux femmes sur le tour de France.
Ce que vend le tour de france, ce n’est pas le vélo populaire mais une pratique bourgeoise élevée au rang de divertissement. Le vélo, à la pointe de la technologie, devient un objet de luxe. Rien à voir avec un usage quotidien comme moyen de déplacement. Le passage du tour de france, présenté comme une vitrine du vélo, aura servi surtout à refaire les routes servant aux voitures. Sans diminution de la place prise par la voiture, d’autres modes de déplacements ne peuvent pas se développer, même pas le vélo.

Des culoté.es

Ça faisait quelques longues années qu’on ne m’avait pas dérangé, que personne n’avait passé le seuil de cette porte. Mon plancher à de nouveau craqué, mes escaliers ont grinçé, avant le fameux temps du confinement.

Des allers et venues pour me remplir, pour que toustes puisse s’y sentir chez elleux. Les pièces se sont transformées en tout ce qu’elleux pouvaient imaginer, ce qu’elleux avaient besoin d’y voir ou d’avoir, collectivement et individuellement. De la doc et des bouquins à partager, de la bouffe à cuisiner, des fringues à donner, des chambres et dortoirs, un coin bricolage, couture, réu… Et puis boule à facette – bâches – babyssa – tarte au citron vegan – fougère – culottes et canapé – canapé – canapé.

Et le corona est arrivé. Pas eu le temps d’ouvrir mes portes publiquement, de clamer haut et fort que j’existais, de rameuter et de fédérer les mal genré.es, les mâles dérangés, les meufs pas droites et les entres-les-deux. Il y a eu un sentiment d’urgence pour quelqu’un.es d’avoir un lieu de replis, ici. Les mouvements se sont calmés et un nouveau milieu s’est créé. Avec ses propres règles, celles du confinement et celles des personnes recueillies dans mes murs. Un écosystème bancal, pour un temps difficile. Je me suis senti comme un radeau à la dérive, un tas de vieilles planches et de pierres tentant de soutenir mes passager.es. Et parfois les vagues ont été trop hautes, trop fortes. Ça a chaviré et bu la tasse, malheureusement j’avais pas de bouée à leur envoyer.

Comme cette ville entre vallées et plateaux, j’oscille entre haut les cœurs et bas résilles, toujours instable de la cave au grenier. Ça ne tourne pas toujours rond, c’est plutôt montagne russe par ici.
Parfois ça vole très haut. Mes occupant.es ont atteint des sommets d’énergie pour refaire une beauté à mes murs délavés et tirer de l’éléc à tous les étages. Car j’en avais pas mal moi, des pièces inoccupées attendant des travaux qui ne venait jamais. Attendant que la personne qui s’est octroyé un droit de propriété sur moi, s’occupe de mon sort, me ravale la façade et me taillade en studio pour me louer enfin à un prix indécent. C’est qu’ils en ont un paquet lui et tous les autres des maisons aux murs en attente. Ils peuvent se le permettre d’attendre. Alors que d’autres non. Ielles se sont permis.ses de m’occuper plutôt que d’attendre au pied du mur. Mais les murs parlent. Mon maître en a eu vent d’ielles et s’est souvenu de moi.

Dans ce monde à la grille de lecture homologué par l’état, les flics et les services sociaux, il y en a qui ne rentrent pas dans les cases et qui ne veulent pas y rentrer. Ielles ont joué le jeu du pas vu, pas pris, pas fiché. C’est pas qu’ielles s’en fichent, je l’ai bien vu moi la morosité sur leurs visages, le blues du départ et des adieux précipités pour laisser la place à d’autres. Je l’avais senti, petit à petit, la fatigue dans les corps s’installer et l’énergie s’éparpiller. Il y avait également l’appréhension de l’inconnu et la peur des risques encourues. Je leur aurais à minima donné les moyens de s’autonomiser et de se faire confiance. Je les aurais peut-être aidés à voir les interstices de la ville, à s’imaginer les vivres et à se les approprier sans proprio. Je voudrais juste leur dire, à mes oiseaux de passage, que fuir c’est parfois pour mieux rebondir et se trouver d’autres nids.