Pour beaucoup, quand on évoque le sport, on pense aux cours de sport humiliants, aux profs qui nous forcent, aux mecs virils et violents qui nous matent, nous jaugent, nous jugent. Et puis on pense aux millionnaires, à la pub, et à toutes ces conneries dont parlent constamment les medias alors qu’on s’en tape. En gros, on pense oppression patriarcale et capitalisme. Mais loin de tout ça, le sport, ça peut aussi être autre chose. Ca peut même être émancipateur, à condition qu’il soit non-autoritaire.
Quand on parle de sport non-autoritaire, on veut en fait parler de sport avec le moins d’autorité possible. Comme dans toutes interactions sociales, l’absence d’autorité n’existe pas. Mais elle est moins un problème à partir du moment où elle est partagée, discutée, et ouvertement consentie. L’objectif, c’est de tendre vers le moins d’autorité possible. Pour cela, il faut sortir des schémas traditionnels des clubs sportifs, et penser la pratique différemment : ici comme ailleurs, les normes n’ont rien de normal.
Pour commencer, on a besoin de virer la compétition et son imaginaire. L’objectif de la compétition, c’est de gagner, c’est d’être meilleur que les autres, à tout prix, quitte à les écraser. C’est pour ça que la violence, physique comme verbale, les humiliations, le dopage, entre autres, font partie intégrante de nos représentations du sport. A la finalité (gagner), on préférera la manière, la forme. Se faire plaisir, jouer ensemble, s’entraider, progresser. Dans un environnement bienveillant et safe pour tout le monde. Virer la compétition, ça ne veut pas dire ne plus rencontrer d’autres équipes, juste ne plus les affronter : on organise des matchs pour jouer, rencontrer et s’amuser plutôt que pour dominer et gagner.
L’autorité dans une équipe est personnifié dans la figure du coach, qui est la plupart du temps un mec, même dans les équipes féminines. Le coach a toujours raison, et il sait mieux que tout le monde ce qui est bon pour l’équipe. Pour tuer le coach, il y a l’autocoaching. L’idée, c’est de permettre à chaque membre de l’équipe, ensemble ou à tour de rôle, d’être coach. En pratique, il peut s’agir de binomes qui préparent les différents temps d’un entrainement. Comme ce binome change à chaque fois, ça permet d’impliquer les personnes qui le souhaitent. Et pour celles qui ne se sentent pas assez légitime, l’équipe peut constituer un classeur, physique ou virtuel, avec des marches à suivre, des exercices, etc. Des moments d’échanges et des stages avec d’autres équipes qui ont plus d’expériences peuvent aussi s’organiser pour partager des techniques et des savoirs.
En dehors de l’équipe, l’autorité dans le sport est représenté par l’arbitre, qui est là pour faire respecter les règles et sanctionner. Pour tuer l’arbitre, il y a l’auto-arbitrage ! Contrairement à des idées reçues, l’auto-arbitrage, c’est possible dans tous les sports. A condition parfois de changer les règles pour les simplifier et pacifier le jeu. Par pacifier, on entend éviter les embrouilles et prise de tête, pas les contacts s’ils font partis du jeu et sont librement consentis. Dans beaucoup de sports, les règles sont faites pour les professionnel·les, dans le but de créer du spectacle. Ce qui provoque une augmentation du nombre d’arbitres pour les contrôler. Le foot est un bon exemple : il peut y avoir jusqu’à 5 arbitres sur le terrain. Pourtant, il existe des championnats de foot à 7 en auto-arbitrage, avec des règles différentes. Par exemple, les tacles sont interdits. L’auto-arbitrage suppose de changer de mentalité : alors que dans le sport traditionnel, tout ce qui n’est pas vu par l’arbitre est autorisé, il s’agit là de s’arrêter quand on commet une faute, ou quand on nous dit qu’on a commis une faute. Ce qui suppose de respecter les adversaires, et de leur faire confiance.
La question de la mixité ou la non-mixité est essentielle. Pour les femmes, mecs trans et personnes non-binaires, la non-mixité peut-être sécurisante, et permettre de reprendre confiance en soi loin du regard oppressant des hommes. Alors que pour les hommes, la mixité peut permettre de sortir de l’ambiance viriliste.
Pour sortir de l’imaginaire du sport compétitif et donc viril, l’existence de clubs tels que le Black Star et les Pict’aliens est essentiel, puisqu’ils permettent de montrer qu’une autre pratique du sport est possible. Ils permettent à d’autres, dans d’autres sports, de se dire qu’il est possible de continuer à pratiquer ce qu’iels aiment sans forcément subir des violences et des humiliations. Que créer des clubs qui se revendiquent non-autoritaire et qui pratiquent leur sport de manière bienveillante avec un but émancipateur n’est pas une utopie.